La lutte contre le terrorisme est en train de faire bouger les lignes juridiques sur la détention en prison. La vidéosurveillance des prisonniers, autorisée seulement pour certaines situations, est en passe d’être étendue avec un projet d’arrêté gouvernemental.
Législation de la vidéosurveillance en prison
Actuellement, l’utilisation de la vidéosurveillance des prisonniers reste encore très limitée. Normalement, elle ne devrait être utilisée que pour les détenus qui présentent un risque élevé de suicide. Toutefois, cette surveillance ne devrait pas être utilisée au-delà de 24 heures, sinon, une procédure de renouvellement d’autorisation doit être engagée. Une surveillance permanente des détenus est donc proscrite en France. Toutefois, les actes terroristes de 2015 survenus à Paris ont convaincu le gouvernement de réfléchir à l’élargissement du texte.
Un projet d’arrêté pour faire face au changement de contexte
Un nouveau texte à la mesure du statut de Salah Abdeslam, le survivant des commandos des attentats de Paris en 2015. Voilà la base de référence pour le gouvernement dans sa volonté d’étendre la législation de la vidéosurveillance des détenus en prison. Car force est de constater que ce détenu, d’une extrême importance judiciaire pour la suite des enquêtes sur ces événements, ne peut être laissé sans surveillance à cause de la possibilité d’une envie suicidaire. Actuellement, il est le seul détenu en France pour lequel l’on a accordé une telle dérogation à la législation. Le projet d’arrêté, initié par le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, prévoit que la mesure de vidéosurveillance sera destinée aux détenus dont l’évasion ou, éventuellement, le suicide auraient des impacts sur l’ordre public, compte tenu de la nature des actes commis par la personne et de leurs effets sur l’opinion publique. La surveillance vidéo durerait trois mois et les données vidéo seront destinées à un usage judiciaire, mais dépourvues d’enregistrement sonore. Les zones d’intimité du détenu seront masquées par un pare-vue. Toutefois, toutes données qui n’auront pas été utilisées par les instances judiciaires seront effacées.
Un projet contesté dans certains milieux
Avant même les premiers débats, le projet d’arrêté ne fait pas l’unanimité. En effet, une des premières réactions de défiance vient de l’observatoire international des prisons qui rappelle que ce projet viole les principes d’intimité du détenu. Par ailleurs, la cour européenne des droits de l’homme estime que la vidéosurveillance de détenus peut engendrer un effet contraire à l’objectif initial. Même avis de la part du corps médical, notamment de certains psychiatres. En effet, ils estiment que le fait d’être filmé à longueur de journée pourrait inciter les détenus concernés à mettre fin à leurs jours. Ils rappellent notamment que des cas de suicide ont été observés pour des détenus restés à l’isolement. Certains milieux ont déjà saisi la CNIL sur ce projet d’arrêté.